Jardin japonais

« Trois nuances font vibrer le jardin japonais, le vert sombre des feuilles persistantes, le gris du minéral et le pourpre des érables. Au printemps, le blanc éclate en confetis avec la floraison des cerisiers. Ephémère est le rose des azalées, tandis que la seule touche de jaune revint au ginkgo biloba. La glycine embaume la maison de thé, tandis que l’ombragent les grands cryptomères, les ficus religiosa – l’arbre sacré des bouddhistes -, les prunus et les mokkoks aux formes tourmentées. » Aiku de Buson.

Originellement le jardin Zen est né en Chine où il servait de lieu de méditation et de pratique aux moines. Les principes des contrastes de yin et du yang - féminité et virilité, ombre et lumière, l’objet et son contraire y sont traduits en terme d’harmonie…

La plupart des monastères étant situés en montagne, il y fut pris l’habitude d’utiliser des rochers pour agrémenter le lieu de méditation qui était souvent fort restreint en raison de la conformation du terrain. Ce jardin était aussi très généralement le lieu où se trouvait le puit ou une réserve d’eau. Le jardin, considéré comme une création humaine par excellence, ne s’oppose donc pas à la nature mais s’y intègre harmonieusement tout en réduisant celle-ci à des proportions... plus humaines.

Jardin japonais

Le jardin doit donc se présenter comme un paysage naturel, sinon idéal, où l’art de la composition doit s’effacer au profit de l’image que l’on se fait de la représentation symbolique d’un lieu de séjour divin.

Le jardin est donc l’emplacement où on honore les divinités de la nature comme l’autel familial est celui où on honore les divinités ancestrales. Il est donc avant tout un microcosme servant à retenir les énergies subtiles et bénéfiques qui, petit à petit, viennent l’habiter. Peu importe sa taille car une simple pierre peut alors se transformer en lac ou en montagne au gré de la composition.

Tapis de mousse, frondaisons de fougères, allées et voûtes de bambous conduisent aux marches en pierre qui franchissent l’étang jusqu’au pavillon. Marches dites « de l’attente nocturne »… Des ponts de bois ou de pierre, plats ou arqués, mènent à l’ « Ã®le de longue vie ». Tout en effet y est symbole… Chaque plante a sa vertu, longévité, bonheur, béatitude.

Les arbres ne sont pas exclus, au contraire, de ces compositions mais sont mis en valeur par le choix des essences et une taille très particulière que l’on retrouve dans la pratique des Bonsaï qui étaient originellement destinés aux minuscules jardins entretenus par les moines des montagnes.

Jardin japonais

Au Saihôji de Kyôto, le lac a pris la forme d’un cœur, et la lanterne de pierre, surmontée d’un lourd chapeau, entretenant dans son foyer la flamme qui éclaire les parties du thé, symbolise les âmes. Car rien au Japon n’est inanimé. Shintoïsme et bouddhisme s’accordent pour voir dans la pierre le réceptacle d’une âme. Une pierre polie est, en outre, la marque d’une civilisation policée…

La loi d’exiguïté nippone a convaincu les hommes d’aimer et de fréquenter assidûment les jardins des grandes villes dont les lacs sont l’un des principale attrait. Car on ne saurait imaginer un paysage du japon sans l’eau ou la mer. Et quand un citadin dans son minuscule jardinet, aspire aux espaces aquatiques, il lui suffit de placer quelques roches, disposées en nombre impair, qui suggèreront quelques frais ruissellements.

En fait ce qui caractérise le mieux ce type de jardin est l’extrême économie de moyen qui permet, malgré tout, de suggérer un espace à la fois restreint et infini utilisant le symbole et l’abstraction pour mieux synthétiser la nature dans ce qu’elle a de plus harmonieux.

Le jardin est donc composé tant pour le spectateur ou le promeneur que pour la nature elle-même qui s’y reflète sans contrainte. On est donc à l’opposé du jardin à la française et de sa rigueur cartésienne. Le Japon ne connaît ni la ligne droite, ni la monotonie de l’immense. Ainsi le jardin accidenté est il le plus achevé des hymnes à la nature !

Sayônara !