La justice japonaise

Le droit coutumier variait selon les provinces et même selon les Shôen, et les seigneurs l’appliquaient plus ou moins libéralement lorsqu’ils avaient des cas à juger. Dans des instances difficiles ou en l’absence de témoins, on faisait appel à une devineresse, qui après être rentrée en transe, était censée rétablir la vérité. Cependant, la justice que pouvait rendre un samouraï devait se conformer aux préceptes énoncés par le gouvernement de Kamakura.

Ces préceptes considéraient quelques cas typiques d’infractions graves commises par des individus appartenant au peuple ordinaire, ou par des samouraïs de diverses classes. Le fait de battre une personne en public était puni d’emprisonnement lorsqu’il s’agissait d’une personne ordinaire, mais cela pouvait aller jusqu'à l’exil ou à la confiscation de son domaine s’il s’agissait d’un samouraï.

Les peines étaient proportionnées à la nature du délit et à la personnalité du coupable ou à sa situation sociale : plus le coupable avait une position élevée et plus la peine était sévère. En général, un homme du peuple qui avait commis une faute très grave, vol, adultère scandaleux, injures graves… se voyait marqué au fer rouge et de ce fait était exclu de la communauté de son village. Quant aux fautes commises par les Samouraïs, elles étaient généralement sanctionnées par l’exil dans une province ou une île lointaine. Ce qui équivalait à être obligé de transmettre droits et biens à un héritier. Pour un vol commis sur une route en dehors de leur domaine, ils étaient condamnés à 100 jours d’inactivité ou à avoir la tête rasée d’un côté.

À Kamakura, des juges spécialisés, appelés Bugyô, étaient chargés de l’instruction des procès. Plaignant et défenseur, après avoir par trois fois réitéré leur accusation et leur défense, étaient alors confrontés. S’il n’était pas possible de départager les torts, on faisait appel à la justice divine : les deux protagonistes, le plaignant et le défendeur étaient enfermés pendant 7 jours dans un temple. Si pendant ce temps il arrivait quelque chose d’anormal à l’un deux, saignement de nez, malaise, oiseau déféquant sur l’un deux, rat mordant leur vêtement… c’était le signe par lequel les divinités désignaient le coupable.

Il était possible de faire appel d’un jugement, mais une seule fois seulement. Les délits commis par les gens du peuple n’allaient que rarement jusqu’au Kamakura. Ils étaient généralement jugés sur place par les seigneurs. Mais la plupart du temps, les villageois, soucieux de préserver l’ordre au sein de la communauté, prenaient eux même des mesures coercitives. Car les villageois possédaient leur propre code pénal et leurs propres règles de conduite. Si un villageois avait fait une faute, il portait une ceinture rouge, le temps de la peine donnée, et personne ne devait lui adresser la parole.

La seconde peine, infamante, sanctionnait les délits les plus graves : assassinat, incendie volontaire. En ce cas, le coupable était répudié et était obligé de vivre dans des hameaux réservés aux hors-castes… Et ils vivaient de mendicité, car il leur était interdit de cultiver la terre. Ils vivaient non peignés, vêtus de haillons, dans le dénuement le plus complet et méprisés de tous. Car pour les Japonais vivre avec sa honte était encore plus terrible que de mourir. C’est pourquoi ils ne mettaient pas à mort, ni n’emprisonnaient les assassins…

Sayônara !

Source : "La vie quotidienne au temps des samouraï, 1185-1603", de Louis FRÉDÉRIC